27 mai 2014

Golden Gai, l'insolite repère des micro bars de Tokyo




Concept bar, vous avez dit concept bar ?

Eh bien on pense à... bars à vin, à chats, à cocktails, à chicha, à tapas, aux bars de barbus, aux bons vieux bars à ****,  on pense aux nouveaux bars à franges (à chignons, à sourires, à ongles, à sourcils, à quand le bar pour les pieds plats ?), on se souvient de certains bars clandestins, on a lu quelque chose sur les bars latex, on parle de bars littéraires, de bars de filles, de bars à soupe, ou encore des nouveaux bars à luminothérapie, à sieste, à oxygène... - à l'aide !

Mais le mini bar, non, pas celui de l'hôtel, mais le petit, tout petit bar riquiqui, vous connaissiez ?

Alors après vous avoir initié à l'art des washlets et du sumo, voici une nouvelle brève nipponne pour vous parler d'une découverte fort amusante, pour ceux qui auront l'occasion de s'aventurer du côté de Tokyo by night. Je vous en parle car comme diraient mes collègues de bureau post pubères, j'ai grave kiffé, les amis. Du jamais vu, vraiment.

Déjà, c'est toute une aventure pour y arriver. Poésie urbaine au rendez vous. Tout d'abord, cap sur la gare de Shinjuku, le cœur de Tokyo. Ca ne rigole pas, c'est LA plus grande du monde (plus de 1 millions de voyageurs y transitent chaque jour).

A Shinjuku, vous tomberez sur la zone des gratte ciels, des vastes centres commerciaux, et également, sur le bien nommé quartier de Kabuchi Cho, le quartier canaille de Tokyo, anciennement "quartier des plaisirs". Entre cinémas, bars, restaurants, salles de jeux, karaokés, love hotels, salons de massages... c'est la débauche de néons colorés, ça grouille de toutes parts, cacophonie assurée.

C'est aussi le fief des vilains Yakuzas, la pègre locale (ils y ont même un temple pour venir se recueillir en cas de remords j'imagine), ouvrez l'œil (les cm de peau lisse disponible et leur nombre de doigts les trahissent).



Enfin, on arrive à Golden Gai. L'histoire n'a pas été tendre avec la ville de Tokyo, entre les raids aériens de la seconde guerre mondiale et le grand tremblement de terre des années 20, rares sont les endroits ayant subsisté "comme avant". Golden Gai en fait miraculeusement partie, une relique dit on de "l'ancien Tokyo". Point de béton ni de hauts bâtiments : 6 allées tellement étroites qu'aucune voiture n'y circule. Si ces ruelles défoncées et l'aspect un peu vétuste des lieux pourront vous faire croire au traquenard et vous donner l'envie de faire demi tour, rassurez vous c'est très safe (au Japon le taux de criminalité est au ras des pâquerettes, on se sent en sécurité à peu près partout).


Ce sont  plus de 200 bars qui se jouxtent, avec des allures de baraquements de bric et de broc à un seul étage.


Chaque bar ne peut guère accueillir que 6 à 8 personnes (en se tassant et souvent en comptant le barman).  Choisissez bien votre bar, chaque lieu est un univers unique, et vous aurez l'impression de rentrer chez quelqu'un (souvent, enchevêtrement de photos, de bouquins, de cds...). Attention, on raconte que certains bars n'acceptent pas les étrangers, sauf si vous venez avec un habitué, à vous de jouer... Côté budget, attendez vous à avoir à débourser une sorte de "droit de table" ("cover charge"), pas forcément donné mais le jeu en vaut la chandelle. D'ailleurs, on  ne compte pas les artistes et célébrités qui viennent y traîner leur guêtres.



C'est à La Jetée (en hommage au film de Chris Marker) que nous avons atterri après avoir gravi un petit escalier tout raide. Ca ressemble à un grenier mal éclairé et mal aéré, mais c'est the place to be, un repaire d'initiés. Il n'y a pas de place pour tout le monde (4m sur 2, par là, une table et quelques tabourets accolés au bar), on a eu de la chance. Figurez vous que c'est le bar préféré à Tokyo de gens comme Tarantino, Binoche,  Coppola, Sophie Calle (ils n'étaient pas là mais leur boutanche de saké atittrée attend leur prochain passage sur l'étagère au dessus du bar, leur nom est tracé au marqueur). M. Chat, l'un des pères du street art (le chat jaune qu'on a vu un peu partout), filmé par Chris Marker, est aussi passé par là. Tomoyo Kawai, la patronne depuis plus de 40 ans, cinéphile vous l'aviez deviné, a un sacré niveau de français et ça discute sec entre un verre de liqueur de prune et de saké. Bonne pioche.



Si le fait de respirer le même air que votre contemporain dans un espace restreint n'est pas toujours propice au rapprochement - collé serrés que nous étions ce matin sur la ligne 13, j'étais davantage d'humeur à sortir le casque à pointes qu'à discuter le bout de gras avec ma voisine -  là, alchimie du lieu, dans les micro bars du chaleureux recoin de Golden Gai ça marche !

Si vous êtes de passage à Tokyo, tentez donc une petite soirée hors du commun à Golden Gai, authentique, insolite, arty et chaleureux, on se demande d'ailleurs jusqu'à quand ces bars continueront à pouvoir exister ...

By the way, un mot avant de partir, histoire de ne pas partir sur un malentendu en début de soirée : si vous lancez un sympathique Tchin tchin plein d'entrain à la cantonade, sachez que cela veut dire pénis en japonais (Kampaï c'est mieux).  Vous voilà prévenus. 

(Photos : Sunday Morning, Cult nationTalika wordpress 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire